Perturbations écologiques : ralentir, réfléchir et ré-imaginer
Présenté par le Groupe Intervention Vidéo
Perturbations écologiques : ralentir, réfléchir et ré-imaginer
Programme vidéo
Avec Vjosana Shkurti, Sierra Druley + Jean Ni, lamathilde, Anna Eyler + Nicolas Lapointe, Charline Dally
Visible ici du 6 novembre au 2 décembre
Commissaire : Verónica Sedano Alvarez
Que ce soit par le geste rituel qui transmute les échelles et les atmosphères ; les voix synthétiques ou humaines qui racontent des futurs alternatifs ou qui mettent en évidence la relation langage/rapport au monde ; ou encore par le scénario archéologique d’une ère numérique fossilisée ; le changement de paradigme s’impose comme ligne argumentaire dans Perturbations écologiques : ralentir, réfléchir et ré-imaginer. Ce programme présente cinq œuvres vidéo qui explorent la crise environnementale dans l’ère Anthropocène par le biais de la performance ritualiste, la réflexion linguistique et la construction de réalités fictionnelles, alternatives et futures.
En opposition à l’accélération qui caractérise le présent, une cadence reposée traverse ce programme, qui mélange temporalités et qui met en exergue la pensée éco-féministe. « Why should our bodies end at the skin (…)? », écrit Donna J. Haraway dans son ouvrage A Cyborg Manifesto[1]. En effet, la porosité des corps et les limites floues s’imposent dans un avenir où la dichotomie humain/non-humain est anéantie, laissant la place au « digestive approach » (Troubling Ecologies). Deux autres scénarios spéculatifs sont proposés et, en contrepartie, les dégâts et la perte deviennent plus manifestes. L’un, par l’entremise d’une quête méditative et symbolique dans laquelle l’essence de l’être et du monde se confondent (Réfléchir la source) et l’autre, au moyen d’un paysage archéologique qui expose les traces/rebuts de l’ère numérique (La Fable d’Oxa 21965). Toutefois, le présent également nous interpelle. La lumière artificielle (une bougie et une ampoule) et la cire qui fond (Hello Earth) ainsi que la narration de nature cyclique où le mot « détruit » devient une sorte de leitmotiv (Avoir et Être), font appel aux dynamiques complexes qui s’installent au sein de la triade domination-possession-destruction.
[1] Donna J. Haraway, A Cyborg Manifesto. Science, Technology, and Socialist-Feminism in the late Twentieth Century, University of Minnesota Press, 2016, p. 61.
Hello Earth, Vjosana Shkurti
Hello Earth est une conversation à trois entre l’artiste, une bougie et une ampoule sur un gradateur, dans une tentative personnelle de remonter le temps par le biais d’interactions lumineuses. Parfois, la lumière électrique pèse sur nos yeux avec sa demande d’attention tyrannique. Mais lorsque l’électricité est coupée, nous éprouvons une liberté qui nous permet de revenir à des modes d’éclairage plus simples et plus doux. Ce retour, bien que nourrissant et dépourvu d’excès, n’est que temporaire. Nous sommes finalement contraints d’accepter l’irréversibilité de la complexité technologique que nous avons créée.
Troubling Ecologies, Sierra Druley + Jean Ni
Troubling Ecologies est un réseau de récits biotechnologiques transmis à partir d’un terrain proche du futur dans le Pacific Garbage Vortex. Dans les îles amorphes du P.G.V., des écologies de cyborg groupées émergent alors que les corps digèrent et reconfigurent les déchets du patriarcat capitaliste suprémaciste blanc. Ici, les frontières entre le soi et l’autre, l’humain et l’animal, le biologique et le technologique, la fiction et la réalité sont floues.
En utilisant une combinaison d’artefacts vidéo et physiques, Troubling Ecologies construit une étrange réalité alternative qui demande : Comment les façons dont nous faisons les choses, gouvernons et habitons le monde changeraient-elles si nous nous comprenions comme étant toujours déjà entourés de réseaux d’agents puissants et subtils, plutôt que d’une collection inerte de matière ? Le projet cherche à modéliser les concepts féministes par le biais de la fiction architecturale paysagère, en produisant un espace de rêve immersif et habitable qui concentre des modèles et des systèmes qui travaillent déjà à subvertir les idéologies oppressives.
Avoir et être, lamathilde
Avoir, être à, ou être avec.
Remplacer AVOIR par ÊTRE.
Parabole des rapports de forces qui s’immiscent partout, qui s’infiltrent dans les cadres à travers lesquels nous voyons le monde.
Les verbes être et avoir n’existent pas dans toutes les langues, ils inscrivent notre rapport au monde, aux autres et à la nature.
Rapports entre possédant.e.s et possédé.e.s, dominant.e.s et dominé.e.s.
Rapport de l’humain sur la planète, rapport des sexes, des genres, classes, races.
Exploration visuelle et linguistique, regard poéti-critique de notre rapport au monde.
Qu’en est-il de l’être queer féministe dans le néolibéralisme et qu’en est-il de la planète?
Je la possède ou je lui appartiens?
La Fable d’OxA 21965, Anna Eyler + Nicolas Lapointe
La Fable d’OxA 21965 prend la culture matérielle dans le contexte du temps profond. Évoquant à la fois une frise architecturale et une ligne de temps archéologique, cette œuvre vidéo en boucle arpente un paysage virtuel généré par ordinateur, composé d’artefacts et d’architectures scannés en 3D de la province de Gérone. Mettant en scène des sites d’une grande richesse culturelle, des criques préhistoriques de Serinyà à la cathédrale Sainte-Marie de Gérone, la vidéo assemble ces modèles 3D en un palimpseste de relations humaines-géologiques. Cet environnement est également peuplé de certains signifiants moins attrayants de notre héritage géologique : les déchets. Des bouteilles d’eau fossilisées, des téléphones portables et des bâtons d’égoïsme parsèment le paysage, compliquant notre rapport à la terre et à ses ressources. Réfléchissant sur les immenses pressions écologiques du tourisme en particulier (et de la vie contemporaine, plus largement), La Fable d’OxA 21965 imagine les futurs fossiles de l’ère numérique, et les met sur un pied d’égalité avec les merveilles architecturales des civilisations passées.
Réfléchir la source, Charline Dally
Réfléchir la source se situe au confluent de la science fiction, de la rêverie poétique et de la pensée écoféministe. Cette oeuvre vidéo se veut une invitation à la lenteur comme acte de résistance face à l’hyperactivité du monde. Elle s’inspire de réflexions qui esquissent de nouvelles ontologies du monde en tant que sensibilité partagée, au sein desquelles l’empathie agit comme force fédératrice. L’oeuvre met en scène un futur où l’eau, rendue rare par un contexte d’Anthropocène hypertrophié, cède sa place au désert aride qui ne cesse de s’étendre. Il s’en suit une quête polysémique à la recherche d’une source difficilement cernable.